Deux semaines seulement nous séparent du scrutin du 7 octobre prochain. Celui-ci, le second depuis l’adoption de la Constitution de 2011, revêt un aspect particulier dans la mesure où, pour la première fois de notre histoire contemporaine, les électeurs seront appelés à effectuer un choix de société qui conditionnera l’avenir du pays pour les cinq, voire les dix années à venir. Les citoyens auront le choix entre deux modèles de société diamétralement opposés.
Le premier, conservateur, rétrograde, vise progressivement à islamiser la société marocaine en imposant des us et coutumes qui sont totalement étrangers à notre culture. Nous avons eu, ces 5 dernières années, un avant-goût de ce qui nous attend si le parti majoritaire aujourd’hui au pouvoir rempile pour un second mandat. Les libertés individuelles sont menacées, ainsi que la liberté de la presse. Les droits des femmes sont également en recul, les libertés syndicales sont bafouées avec une menace contre le droit de grève.
Aucune négociation et concertation ne sont menées avec les syndicats ni avec aucune partie en ce qui concerne le dialogue social. C’est inédit, à tel point que, pour la première fois de l’histoire du syndicalisme contemporain marocain, une centrale syndicale et non des moindres (l’UMT) décide de sortir de sa neutralité politique et appelle à voter contre le PJD. C’est dire à quel point le malaise est profond! Plus grave encore, ce parti gouvernemental joue de la menace et de l’intimidation, invoque pour justifier l’injustifiable, des théologiens douteux adeptes de l’idéologie wahhabite quand le Maroc a toujours reconnu et pratiqué un islam tolérant et ouvert, basé sur le rite malékite. Ce parti, au nom d’une idéologie religieuse rétrograde qui ne dit pas son nom, trace des lignes de démarcation, au nom de la morale, entre ce que doivent être les « bons citoyens » de notre pays et les autres. Cette culture nous est totalement étrangère. C’est la raison pour laquelle je considère et ai la certitude que le PJD prépare véritablement un coup d’Etat contre les institutions de notre pays.
Le véritable projet de ce parti n’est pas de gouverner pendant cinq années mais de mettre en place, à terme, un Etat religieux avec tout ce que cela implique en matière de changements institutionnels, sociétaux et surtout culturels.
Le terreau de ce projet diabolique est propice et favorable, à cause notamment d’un faible degré de conscience politique de la population, d’un niveau d’instruction extrêmement faible, et d’un système de valeurs en perdition. Mais il faut que nos concitoyens sachent que ce parti, à mon sens, n’appartient pas au Maroc que nous connaissons. Il joue sur les frustrations, les fantasmes réels ou supposés de certaines catégories de la population, sur des rancœurs anciennes, les peurs légitimes ou pas de certaines catégories de notre société. C’est un cas d’école typique de ce que le fascisme européen a toujours engendré depuis un siècle.
Ce type de partis politiques a un réel talent à écrire un récit imaginaire dans lequel se retrouvent nombre de laissés-pour-compte des sociétés. Mais Il ne faut pas être dupe de la tartufferie et de l’imposture. Il faut savoir que ce parti n’a aucun projet d’avenir pour le Maroc. Rien en ce qui concerne l’éducation nationale, l’emploi des jeunes, la croissance économique, la justice, etc. Non, car le véritable et inavouable projet de ce parti, qui fonctionne plus comme une secte, n’est pas économique mais bel et bien politique, institutionnel et sociétal. Imposer des mœurs qui incarnent une rupture profonde en termes de tout ce qui a fait et incarné le vivre ensemble du Maroc depuis la nuit des temps. Nous avons déjà des exemples probants à ce sujet : des lynchages de foule savamment organisés contre tel ou tel corps considéré comme «impur», des individus proposés comme têtes de liste au niveau des élections législatives et qui appellent sciemment au meurtre d’une catégorie de leurs concitoyens juifs notamment, la victimisation systématique comme mode de gouvernance, etc.
Non, ces gens n’aiment ni le Maroc, ni ce que représente le Maroc en termes d’histoire, de valeurs, de culture. Leur dessein est de fabriquer un Maroc intolérant, divisé, liberticide, uniforme, sectaire, replié sur lui-même quand notre histoire s’est faite sur le mélange des races et des peuples, sur l’ouverture aux autres et la tolérance comme valeurs phares. Le temps des palabres et de la discussion est terminé.
De ce fait, nous devons nous mobiliser pour défendre un autre projet de société, progressiste et moderniste, dont l’objectif est de mettre le Maroc sur les rails de l’émergence durable. A ce titre, l’Union Socialiste des forces populaires incarne naturellement ce modèle de par son histoire, ses principes, son expérience gouvernementale entre 1998 et 2002 notamment lorsque A. El Youssoufi a conduit le gouvernement d’alternance.
Notre parti, aujourd’hui conscient plus que jamais du danger qui guette notre pays, propose dans le cadre de son programme électoral un modèle de développement global, intégré, multidimensionnel qui englobe les volets institutionnel, politique, économique, social, culturel et religieux notamment. Un modèle qui vise à émanciper le citoyen de toute forme de tutelle, qui vise à raffermir, renforcer et développer toute forme de liberté individuelle et collective, à renforcer le processus démocratique à travers la mise en œuvre de la Constitution votée en 2011, à mettre en œuvre un modèle de croissance ambitieux à même de placer le Maroc sur le sentier de l’émergence à travers l’exploitation de nouveaux gisements de croissance.
L’élaboration de ce programme électoral s’est basée tout d’abord sur l’évaluation du bilan du gouvernement Benkirane sur l’ensemble des aspects, qu’ils soient institutionnel, politique, économique, social, culturel, etc. Là encore, nous constatons une dégradation sur l’ensemble de ces aspects. Aussi, prenant en compte tout ce qui a été avancé, le programme présenté par l’USFP s’étale sur 5 années avec 5 priorités principales :
– Mettre en place un système de protection sociale élargi et juste;
– Créer un modèle économique et de développement alternatif selon une approche intégrée;
– Consolider une société démocratique et équitable pour toutes les compétences;
– Renforcer les institutions constitutionnelles et consolider l’Etat de droit;
– Instaurer un nouveau système culturel avec une dimension démocratique et moderniste.
Ce programme compte 555 mesures sous le slogan « 55 ça suffit ! » afin de permettre le redressement du pays à tous points de vue. Sur le plan économique et financier notamment, nous proposons les objectifs suivants à l’horizon 2021:
– D’accélérer le taux de croissance à 5,5% en moyenne sur la période 2016-2021;
– De diminuer le taux de chômage à 8% sur la même période ;
– D’augmenter la part du PIB industriel dans le PIB total de 15,5% à fin 2015 à 19% à fin 2021 ;
– De créer 150.000 emplois/an en moyenne sur la période, ce qui correspond à un total de 750.000 emplois sur la prochaine législature ;
– D’augmenter le revenu moyen/habitant de 20% ;
– De réduire les disparités en termes de répartition des revenus, à travers l’amélioration de l’indice de Gini de 10 points ;
– D’améliorer la position compétitive du Maroc dans les classements «Global Competitiveness Index».
Afin de parvenir à ces objectifs, nous préconisons la mise en place d’une nouvelle stratégie de croissance en rupture avec les politiques pratiquées sur les 5 dernières années. Une stratégie qui sera portée par une équipe dévouée, compétente et vo¬lontariste.
A l’USFP nous nous engageons à :
– Proposer aux citoyens un contrat économique et social qui soit basé sur une nouvelle génération de réformes ;
– Accélérer le rythme de croissance de l’économie sur la durée ;
– Lutter profondément et efficacement contre les inégalités sociales qui me¬nacent la cohésion du pays.
– Redonner de l’espoir à la jeunesse à travers une politique active de l’emploi et de développement de l’entrepreneuriat ;
– Accompagner la nouvelle stratégie de croissance à travers la mise en place d’une nouvelle politique industrielle ;
– Mettre en place une véritable politique de l’innovation ;
– Lutter contre l’économie de la rente et le clientélisme ;
– Gérer de manière efficace et efficiente pour préserver nos ressources naturelles (eau, forêts…) ;
– Continuer la taux de croissance à 5,5 de base et avancée.
Cette nouvelle stratégie de croissance que nous préconisons est structurée autour de 5 axes majeurs qui sont :
– La mise en place d’une politique économique volontariste en faveur d’un développement économique soutenable et pérenne ;
– Le renforcement et la diversification des politiques sectorielles afin d’exploiter pleinement les gisements de croissance ;
– La mise en place d’un environnement des affaires qui favorise une meilleure compétitivité et intégration régionale du Maroc ;
– Le développement de l’entrepreneuriat innovant, gage de la lutte contre le secteur informel.
Un aménagement territorial harmonieux favorisant le développement durable
S’agissant des mesures phares, nous proposons notamment de revaloriser le SMIC et le SMAG de 30% de manière progressive sur 5 ans; d’entamer une véritable réforme du système de compensation et de l’ensemble du dispositif des aides sociales à travers notamment la mise en place d’un Revenu minimum d’insertion plafonné et dégressif; de mettre en place une réforme fiscale qui soit équitable, juste et redistributive à travers la baisse de l’imposition sur les sociétés, sur les revenus et la restructuration de la TVA, une vraie réforme de la fiscalité agricole et une refonte des dépenses fiscales. Nous proposons également d’assurer la mise en place d’un cadre fiscal stable à travers l’adoption d’un Pacte de stabilité du système fiscal sur 5 ans. Afin de doper la compétitivité des entreprises, nous proposons la mise en place d’un système de Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi afin d’aider les entreprises à financer les dépenses d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique ou énergétique. Afin d’améliorer l’exécution et l’implémentation des différentes stratégies sectorielles, nous proposons de créer un outil de planification publique avec l’objectif de mieux coordonner les stratégies sectorielles, et veiller à leur intégration, transversalité, cohérence et convergence qui s’appellerait: «Commission nationale de la Coordination et de la Cohérence des politiques publiques». Afin de solutionner la problématique du financement des entreprises, nous préconisons la création d’une Banque publique d’investissement pour faciliter l’accès au financement des TPME (caractère régional). Enfin, en ce qui concerne la politique monétaire, nous préconisons de faire évoluer de manière progressive le régime de change fixe vers plus de flexibilité. S’agissant des politiques sectorielles, nous proposons la mise en place de plusieurs stratégies dans 9 domaines distincts : l’industrie avec la mise en place d’une Nouvelle politique industrielle (NPI), le secteur agricole avec la mise en place d’un Pacte agricole et rural, la mise en place d’une stratégie dans le domaine de l’économie numérique, dans le domaine de l’énergie avec une emphase sur les énergies renouvelables; l’innovation et la recherche & développement, le commerce, sans oublier le tourisme où la situation est catastrophique.
Nous avons estimé l’impact budgétaire de ce programme que nous avons voulu ambitieux mais réalisable à environ 35-40 milliards de dirhams par an. Il serait financé en partie par les recettes générées par la réforme fiscale estimées à 20 milliards de dirhams et pour partie grâce aux gains générés par l’impact de la croissance sur les recettes fiscales estimées à 4 points de croissance supplémentaires chaque année.
Ce modèle de développement que nous souhaitons inclusif a également pour objectif prioritaire de redonner espoir à une jeunesse aujourd’hui qui doute et qui n’arrive plus à se projeter sur l’avenir. Celle-ci souffre de maux profonds et structurels, dont principalement le chômage qui touche aujourd’hui plus de 40% des jeunes en milieu urbain.
Plus grave encore, le taux de chômage des lauréats des grandes écoles a doublé ces cinq dernières années. Bien évidemment la problématique de la jeunesse ne date pas d’aujourd’hui mais force est de constater que le gouvernement Benkirane a sciemment marginalisé la jeunesse à tous points de vue. Aussi, le projet de l’USFP se propose-t-il de mobiliser un certain nombre de ressources afin de veiller à améliorer l’intégration professionnelle de la jeunesse, à travers notamment le projet «Espoir jeunesse » qui vise à créer les conditions de développement de l’entrepreneuriat notamment. Nous préconisons également la mise en place d’une politique active de l’emploi à même de favoriser l’employabilité des jeunes en améliorant leur accompagnement en termes de formation professionnelle.
Pour ce faire, les reconfigurations de structures telles que l’OFPPT ou encore l’ANAPEC qui ont totalement échoué à insérer la jeunesse dans l’économie, doivent être revues. La mise en place d’instruments de protection sociale afin d’aider les chômeurs à vivre décemment et à retrouver un emploi est également un impératif crucial. De manière plus générale, l’approche des pouvoirs publics vis-à-vis de la jeunesse doit changer radicalement et sortir de l’idée que les jeunes représentent un fardeau pour la société et ne sont qu’un coût. Au contraire, il faudra veiller également à intégrer notre jeunesse à travers la culture, et les sports notamment. Les partis politiques doivent également assumer leurs responsabilités en veillant à intégrer les jeunes dans les appareils des partis sur la base du mérite et de la compétence uniquement.
Je termine mon propos en insistant sur le fait qu’il est aujourd’hui, plus que jamais, crucial pour nos concitoyens de voter utile afin de continuer à faire de notre Maroc un havre de paix, de tolérance, d’ouverture, de réussite et d’émancipation citoyenne. Aussi je souhaite bon vent à nos candidats et bon vent à l’USFP ! Je sais au fond de moi-même que notre parti a la force, la crédibilité, la légitimité pour jouer les premiers rôles sur la scène politique comme ce fut le cas par le passé. Nous y arriverons ensemble, à force de travail, de courage, d’abnégation, et de volonté. Pourquoi? Car nous ne sommes pas des novices en politique. Nous avons tout connu: les affres de l’opposition des années 1970 jusqu’à à l’expérience gouvernementale des années 1990 avec tout ce que cela implique comme espérance et déception légitime. Aussi, nous proposons la crédibilité de l’expérience, la solidité des valeurs et l’espérance de l’avenir !
Tarik El Malki Membre de l’USFP et directeur du Développement et de la Recherche scientifique- Groupe ISCAE
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