Driss Lachguar : C’est une aberration que de limiter le quota des femmes aux postes de responsabilité gouvernementale et au Parlement sans l’étendre à toute la société
Le Plan national pour l’intégration des femmes au développement proposé sous le gouvernement El Youssoufi a fait l’objet d’un conflit majeur. Il a pourtant ouvert la voie à plusieurs modifications concernant l’arsenal juridique. Entre autres, le Code de la nationalité et l’état civil
L’USFP vient de remettre sur le tapis la question de la représentativité des femmes non seulement au sein des institutions élues, mais dans toutes les instances de la société.
«Nous proposons que le quota des femmes (le principe du tiers des sièges aux femmes en perspective de la parité) soit formulé sous forme d’une règle juridique abstraite, générale et obligatoire qui s’applique, sous peine de nullité, non seulement aux institutions élues, mais à toutes les organisations de la société (partis politiques, associations, syndicats…)», a avancé le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, dans son allocution d’ouverture de la Conférence nationale organisée par l’OSFI samedi dernier au siège central du parti à Rabat et à laquelle ont pris part l’ancien ministre, Said Saadi, et le chercheur Ahmed Dahmani.
Cette proposition, mise en exergue, n’est pas le fruit du hasard, mais émane d’une longue et mûre réflexion. En effet, le dirigeant ittihadi part d’un constat amer : «Parfois, on ne rend pas justice aux femmes même si elles sont meilleures que les hommes dans plusieurs domaines », a-t-il déclaré en critiquant le fait que « les efforts consentis au niveau de l’Etat soient absents au niveau des directions des syndicats et des partis politiques ». Pour le dirigeant socialiste, il est carrément aberrant « de limiter le quota des femmes aux postes de responsabilité gouvernementale et au Parlement sans l’étendre à la société tout entière ».
Driss Lachguar a, par ailleurs, rappelé les réalisations initiées en matière de promotion des droits des femmes au Maroc surtout depuis le gouvernement d’Alternance présidé par le leader socialiste, Abderrahmane El Youssoufi. Sous ce gouvernement, Said Saadi, qui était à l’époque ministre de la Famille et de l’Enfance, avait proposé un Plan national pour l’intégration de la femme au développement, dont l’objectif était l’émancipation de la femme et sa réhabilitation dans les domaines économique, politique, juridique et social.
« Le Plan national pour l’intégration des femmes au développement a fait l’objet d’un conflit majeur. Il a pourtant ouvert la voie à plusieurs modifications concernant l’arsenal juridique. Entre autres, le Code de la nationalité et l’état civil», a souligné le Premier secrétaire du parti de la Rose. Durant cette période, a-t-il poursuivi, la représentativité politique a enregistré un saut qualitatif.
Par ailleurs, Driss Lachguar a critiqué «les forces réactionnaires qui dominent les institutions de la gestion de la chose publique et qui ont contribué à l’avortement des rêves de l’ère d’après l’adoption de la Constitution 2011 », affirmant que « la situation actuelle est caractérisée par des déséquilibres dans les rapports de force et par la domination des tendances conservatrices et populistes ».
Face au déferlement de cette vague « conservatrice » et « populiste », le dirigeant ittihadi a lancé un appel « pour tous ceux qui adhèrent au projet de gauche pour se mobiliser en vue de récupérer le temps perdu, surtout au niveau de la question féminine qui occupe une place centrale dans notre projet sociétal ».
Said Saadi a pour sa part mis l’accent dans son allocution sur les principales entraves qui empêchent la participation effective et massive des femmes à la gestion de la chose publique. « La première et principale entrave est celle de la domination d’une mentalité masculine » qui est encore fortement ancrée dans la société patriarcale.
L’ex-ministre a également mis l’accent sur un élément fort important. Il s’agit de la sécurité. « Sans sécurité, il n’y aura pas une forte participation des femmes », a-t-il souligné. « Comment une femme pourrait assister à une réunion jusqu’à une heure tardive si la sécurité dans l’espace public n’est pas garantie ?», s’est-il interrogé.
La domination du courant conservateur est une autre entrave empêchant la participation des femmes de façon effective à la gestion de la chose publique. « Ce courant conservateur met en danger le projet moderniste que nous défendons et pour lequel nous militons », a-t-il mis en avant tout en critiquant ce qu’il a qualifié de « rôle négatif des médias », qui doivent, selon lui, « mettre en valeur les expériences réussies en matière de promotion des droits de femmes ».
« Je ne suis pas nihiliste, loin de là. Beaucoup de choses ont été réalisées grâce à la lutte de tout le monde, des mouvements féministes, des acteurs politiques et de l’Etat », a tenu à préciser Said Saadi, notant au passage que « le gouvernement d’Alternance avait joué un rôle important dans la promotion de la représentativité de la femme. »
Pour lui, la question des femmes « devrait être centrale pour les décideurs », appelant « les différents intervenants à prendre des mesures d’accompagnement pour l’intégration des femmes dans le système ». Dans ce sens, il a mis l’accent sur l’importance de l’éducation et la socialisation des futures générations.
Pour sa part, Ahmed Dahmani, professeur universitaire, a souligné dans son allocution que les politiques publiques basées sur l’approche genre ne devraient pas être régies seulement par la transparence et la bonne gouvernance, mais également par les résultats et l’impact sur le terrain.
Il a aussi présenté certaines suggestions qui renforceraient l’approche genre dans les politiques publiques, telles que la mise en place d’un système statistique national fondé sur l’approche genre, mais aussi d’une institution nationale pour l’évaluation des politiques publiques dont l’un de ses objectifs est d’évaluer l’impact de ces politiques, tout en appelant à la constitution d’un front de gauche défendant l’égalité et l’adoption de l’approche genre dans les politiques publiques.
Il convient de rappeler que cette conférence a été modérée par Khadouj Slassi (présidente de l’OSFI), alors que Said Jaafar en a été le rapporteur.
Mourad Tabet
Visitors comments ( 0 )