44 ans durant, elle aura vainement attendu de revoir son fils
Khadija Chaou, l’épouse du grand militant Ali Manouzi, s’est éteinte dimanche 30 octobre à Casablanca, à l’âge de 94 ans. Inhumée hier au cimetière Achouhada après la prière de l’Asar, la regrettée a passé sa vie à réclamer que toute la lumière soit faite à propos de l’enlèvement de son fils Houcine.
Agé de 29 ans, mécanicien d’avion, militant syndicaliste, et membre de l’Union nationale des forces populaires, Houcine El Manouzi a été enlevé en octobre 1972, à Tunis, par les services de sécurité pour être transféré au Maroc dans le coffre d’une voiture diplomatique.
Il aura fallu près de trois décennies de lutte acharnée et risquée menée par sa famille et ses amis pour que les pouvoirs publics consentent à reconnaître sa détention au secret. Malheureusement cette reconnaissance officielle de faits avérés et vérifiés n’est pas allée au-delà.
Le sort du détenu-disparu est toujours inconnu à ce jour.
Même l’Instance équité et réconciliation (IER) n’a pas été au-delà du cadre de ses compétences non judiciaires en matière d’investigations. Certains témoins cités par la famille n’ont jamais été auditionnés.
L’un d’eux, qui avait joué un rôle important dans l’organisation de l’enlèvement de Tunis, est décédé au début de 2007. De même, ni certains faits engageant l’implication directe de responsables des forces de sécurité dans la disparition en question n’ont été restitués dans le rapport final de l’IER (30 novembre 2005), ni sa tombe retrouvée.
Les pouvoirs publics continuent certes d’afficher une volonté de parachever le règlement équitable de la question des violations passées des droits de l’Homme, mais les recommandations de l’IER pour la poursuite des investigations concernant ce dossier sont restées lettre morte puisqu’aucune avancée significative n’a été enregistrée dans l’élucidation du mystère qui entoure la disparition de Houcine El Manouzi.
Son cas résume, à lui seul, toutes les caractéristiques de la disparition forcée au Maroc. C’est un militant politique enlevé à l’étranger. Il y a donc eu implication de services étrangers et marocains dans son enlèvement et son acheminement vers le Royaume.
Houcine est également passé par beaucoup de centres de détention, et nombre de responsables ont été donc impliqués dans ce qu’il a eu à subir. Ce qui témoigne, sans le justifier, de l’omerta qui a servi de règle de conduite à son propos et donne encore plus d’allant à la lutte menée par les membres de sa famille pour rétablir la vérité sur des faits qu’une chape de plomb entoure depuis 44 ans.
Leur mise en lumière à laquelle ni son père, Hadj Ali, ni sa mère, Khadija Chaou, n’auront eu l’heur d’assister puisqu’ils ont été, tous les deux, rappelés à Dieu sans avoir baissé les bras, ni abandonné leur combat pour que la vérité soit et pour pouvoir, s’il y a lieu, faire leur deuil d’un fils qu’ils chérissaient plus que tout au monde.
http://www.libe.ma/Deces-de-Khadija-Chaou-mere-de-Houcine-El-Manouzi_a80080.html
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