Préambule
Durant plus de trois mois, le monde entier s’est trouvé acculé à un mode de vie fait d’isolement et de confinement sanitaire afin de parvenir à contourner la pandémie de Covid-19. La plupart des gouvernements ont de ce fait opté pour l’adoption de l’état d’urgence et de fermeté dans l’application des dispositions et des mesures préventives.
Cette pandémie a démontré à travers le monde que les risques que nous nous préparions à affronter et pour lesquels nous nous armions en vue de nous en prémunir ne sont pas de vrais risques ou, pour le moins, ne constituent pas ces dangers qui pourraient représenter une menace d’éradication de l’humanité.
La plus grande menace pour notre vie vient aujourd’hui d’une molécule microscopique qui ne distingue ni entre le pauvre et le riche, ni entre le blanc et le noir, et ne reconnaît pas non plus les frontières. Si elle nous attaque donc, c’est parce que nous sommes des humains.
Aussi toute guerre contre ce virus doit-elle englober les efforts collectifs de l’humanité toute entière. Et cela ne peut se faire qu’à travers l’unification de nos rangs au niveau de la recherche scientifique, des échanges logistiques de la consultation et de la gestion économique et sociale.
Pour ce qui est de l’économie mondiale, il semble que nous soyons en plein dans une crise unique en son genre puisqu’elle a été sciemment déclenchée par les pays du monde. Pour notre part, nous considérons le droit à la vie comme étant le droit suprême par rapport à tout autre. La particularité de cette crise économique réside dans le fait qu’il s’agit d’une crise d’offre et de demande en même temps. C’est d’ailleurs ce qui en fait la plus grande crise qu’ait connue le monde durant les cent dernières années. A telle enseigne que même les grandes puissances s’apprêtent à vivre des jours difficiles. C’est ce qui explique les politiques volontaristes adoptées par ces gouvernements et leurs banques centrales. Il y en a même qui prônent des politiques économiques souveraines.
Cette introversion serait compréhensible et même nécessaire dans cette conjoncture de confinement sanitaire mais elle ne peut être permanente eu égard à l’inter-liaison qui caractérise l’économie des pays. Nous ne sommes pas contraints de choisir entre le libéralisme sauvage d’un côté et les politiques protectionnistes renfermées (chauvinistes) de l’autre. Il est par contre possible de revoir les réseaux de production à l’avenir en se représentant la nécessité d’assurer un seuil minimum concernant certains produits d’autosuffisance et de constitution de stocks des produits que l’on est dans l’impossibilité de produire localement, de réduire l’empreinte carbone et délaisser l’agrément des marchandises bon marché au profit de celui de la qualité et de la durabilité du point de vue environnemental et social.
Une simple lecture de certains rapports des organisations internationales et régionales d’Afrique ou du Moyen-Orient renseigne sur le grand développement du Maroc par rapport aux dispositions qu’il a annoncées et mises en œuvre. C’est un constat doublement rassurant, et notre pays disposant de moyens qui lui sont propres et qui nous permettent d’affronter les crises et le gouvernement étant conscient de la gravité de la situation.
Dès le tout début de la propagation du virus, l’Etat a assumé, sous la conduite de S.M le Roi, son cachet social de manière remarquable. Ce qui a valu à notre pays d’être un exemple à travers le monde.
Les initiatives Royales ont grandement contribué à éviter à notre pays des drames qui auraient eu des conséquences désastreuses. Notre pays a positivement réagi aux rapports des organisations internationales (OMS, FMI, ONU, Banque mondiale) et ce avec raison et sagacité. Les initiatives Royales se sont succédé. S.M le Roi, dans le cadre des prérogatives que lui confère la Constitution en tant qu’Amir Almouminine, chef d’Etat, chef suprême et chef d’état major des FAR, a en effet lancé les initiatives nécessaires pour limiter la propagation du virus, ce qui a eu pour effet l’adhésion de toutes les composantes de la société pour contribuer aux efforts déployés dans ce sens.
Nous nous devons d’être fiers de la création du Fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du coronavirus pour assurer la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, soutenir le pouvoir d’achat, aider les secteurs économiques affectés et préserver les postes d’emploi. Et grâce au magnifique élan de solidarité démontré par toutes les composantes du peuple marocain, les contributions ont dépassé de loin toute attente pour atteindre 33 milliards de dh (soit près de 3% du PIB). Comme il faut saluer la création du Comité de veille économique qui a pour mission de scruter les répercussions de la pandémie et de prendre l’initiative d’y remédier.
En cette conjoncture exceptionnelle, l’administration marocaine, toutes composantes comprises, entre cadres et fonctionnaires, a démontré sa grande capacité à s’adapter et à créer. Et, d’autre part, le dévouement et l’abnégation dans l’accomplissement des différentes tâches et missions. Et c’est ce qui nous change de ces doigts accusateurs qui visaient l’administration avant cette pandémie. Le confinement sanitaire aura convaincu tout le monde de la grande importance du secteur public et par là de son rôle vital et que le secteur privé ne peut assurer.
Un grand merci donc à tous les intervenants dans le secteur de la santé, de l’hygiène, de la sûreté, aux autorités locales et à celles et ceux qui veillent au fonctionnement des infrastructures et de la logistique et qui risquent leur vie pour nous protéger et assurer nos besoins. Elles toutes et eux tous méritent amplement qu’on leur accorde plus d’intérêt et qu’on pense à récompenser leurs efforts.
Dans ce contexte, il convient de rappeler la situation des Marocains bloqués à l’étranger sans oublier les efforts déployés par les consulats du Royaume pour leur venir en aide. Mais la longue durée du confinement sanitaire et l’absence de vision quant à la réouverture des frontières doivent inciter à une intervention dans les plus brefs délais pour leur rapatriement.
Le plan national multidimensionnel conçu par le Maroc et auquel tout le monde a adhéré dès le début n’aurait pu être concrétisé s’il n’y avait pas l’action responsable de l’Etat et la confiance que voue le citoyen aux institutions étatiques. C’est là une preuve de synergie entre l’Etat avec ses différentes institutions et ses pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire qui veille à la protection de la vie et des intérêts des citoyens et la société qui respecte les décisions et les mesures de ses institutions.
Il faut bien s’employer à préserver cette trame et la prémunir contre toute tentative de nuisance d’autant que nous avons aujourd’hui l’opportunité d’une réédification sur des bases saines.
L’occasion de consolider les acquis et de renforcer la spécificité marocaine. Nous sommes un pays aux affluents multiples solidement attaché à une vie digne et à des institutions constitutionnelles. Et c’est justement ce qui a été fait pour faciliter au gouvernement sa mission de gérer la crise. Une synergie et une coordination rares qui ont caractérisé l‘action de ses différents secteurs. C’est là un capital qu’il ne faut en aucun cas dilapider à cause de tiraillements ou de petits calculs politiques qui constituent une menace pour l’intérêt du pays.
Aujourd’hui alors que notre pays est à l’épreuve, tout le monde prend conscience du sens d’un Etat fort et juste. Un Etat crédible qui veille à assumer ses responsabilités et à tenir ses engagements.
Et des institutions déterminées à accomplir leur mission, quelles que soient les circonstances. Tout le monde prend également conscience du sens d’une société moderniste et solidaire : des catégories sociales solidaires, abstraction faite de leur appartenance de classes, géographique ou de genre.
La subjectivité n’a pas lieu d’être, quelle qu’en soit la nature. Nous nous devons aujourd’hui de constituer une alliance nationale sans en excepter personne (majorité et opposition, partis et syndicats, associations et individus). Une alliance qui se doit de constituer un bloc uni pour consentir les sacrifices nécessaires en vue d’une sortie de crise.
En tant que démocrates, imprégnés des valeurs de liberté et des droits de l’Homme, nous sommes contrariés par cette situation imposée par le confinement sanitaire avec ce qui en découle comme réduction effective de la liberté de prise d’initiative et de mouvement, mais nous ne nous en sommes pas moins conscients du fait que le droit à la vie et le devoir de défendre la pérennité de cette nation et de l’humanité entière nous obligent tous à consentir quelques concessions circonstancielles dans l’espoir de voir le pays prendre le dessus sur cette pandémie.
Notre satisfaction trouve sa justification dans cette méthode civilisée adoptée par les autorités locales dans la gestion du confinement et la vitesse d’exécution à l’actif du gouvernement et du Parlement pour mettre sur pied les lois et les décrets permettant de gérer cette étape de manière appropriée.
L’étape à venir est particulièrement délicate. Elle exige de nous de garder la même attitude consistant en le respect total des mesures préventives dictées et des dispositions et décisions institutionnelles qui se rapportent à cet état d’urgence sanitaire tout en préservant cette solidarité qui a régné entre les différentes catégories sociales.
Le recours par plusieurs pays au déconfinement progressif n’a pas été si facile qu’on le croyait. Il s’est même avéré plus complexe que l’instauration du confinement.
Cela est essentiellement dû aux mesures et dispositions préventives exigées et cela de l’avis même des responsables du système de santé. Nous en citerons la stabilité de la situation pandémique, la baisse du nombre des nouveaux cas, la diminution du taux de reproduction du virus, R0, à moins 1, l’augmentation de la capacité d’accueil des hôpitaux, la disposition des moyens de surveillance épidémiologique et du suivi des malades … Sans oublier, bien évidemment, l’adhésion de tout le monde aux mesures et gestes préventifs drastiques pour ce qui est de l’hygiène et de la distanciation sociale.
Notre pays connaît dans ce cadre un débat institutionnel et un débat public parallèle se rapportant à deux principaux sujets. Le premier concerne la gestion de la crise dans la perspective de limiter la propagation du coronavirus, voire d’y mettre un terme. Et le second est en rapport avec les perspectives d’avenir pour l’après. Dans ce débat et à travers ces deux volets, de nombreuses idées ont surgi. Des idées que notre parti n’a cessé de défendre et qui constituent toujours l’essence de sa distinction.
Même si nous ne sommes pas en mesure de procéder à une évaluation objective d’une pandémie dont les contours n’ont toujours pas été clairement définis et dont les répercussions au niveau socioéconomique ne cessent de prendre de l’ampleur de temps à autre. Cependant, l’on peut avancer quelques remarques préliminaires alors que nous sommes toujours en guerre contre ce virus et l’on ne sait quand elle prendra fin.
L’économie nationale à l’instar de celles des autres pays s’est ressentie par ce qui a été causé par la pandémie telles la cessation d’activité de milliers d’entreprises de différentes catégories (industrielles, agricoles, de services…). Certaines institutions nationales tel le Haut-commissariat au plan, ont prévu une baisse de croissance pour cette année en partant en fait d’une période limitée en comparaison avec celle liée au confinement sanitaire. La situation est telle que le sort de cette pandémie ne concerne pas que notre pays mais l’ensemble de la communauté internationale. Nous ne pouvons de ce fait nous avancer dans des prévisions sur une évolution prise de la situation ni sur sa durée dans le temps. Nous sommes cependant sûrs que les conséquences seront néfastes sur l’économie mondiale, ce qui amplifiera la crise de l’économie nationale.
Par conséquent, compte tenu de cette circonstance exceptionnelle, la loi de Finances rectificative est l’occasion d’exprimer la nécessité d’un effort national collectif et d’effectuer une rupture avec toutes les démarches d’élaboration des lois financières antérieures, et la nécessité de l’implication de toutes les forces vives du pays dans son élaboration et sa traduction en réponses précises, complètes et efficaces, et ce, en vue de réduire les effets de la pandémie et de définir un agenda pour la levée du confinement dans un premier temps et de mettre en place un plan de relance économique qui garantirait le développement social, la stabilité et la paix sociale dans un second temps. Par ailleurs, la loi de Finances 2012 devrait constituer le véritable point de départ des réformes structurelles des finances publiques et de la réforme fiscale, sachant qu’un certain nombre de résultats du débat national sur la fiscalité sont devenus caduques à la lumière de la crise actuelle. Nous considérons que le dialogue social, tel qu’il est pratiqué et exigé par les forces ouvrières, et comme stipulé par les discours Royaux, dans les contextes précédents, devrait être la base de tout futur débat public à propos des actions à prendre.
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- Préservation de la santé des citoyens et garantie d’une vie décente
L’engagement de l’USFP dans la défense des droits sociaux des citoyens ne date pas de cette crise, mais il est enraciné dans notre culture et notre référentiel. Nous veillons à l’inclure dans nos programmes électoraux et nous l’avons considéré comme un pilier important dans notre conception du nouveau modèle de développement. Pour cela, nous ne traitons pas ici tous les secteurs sociaux, mais on va se focaliser sur les secteurs dont la pandémie a dévoilé l’importance et les lacunes.
A titre d’exemple, si le registre social unique a été mis en place, il aurait été très facile et efficace d’orienter les aides vers les personnes qui en avaient besoin. Et si le nombre des médecins et des infirmiers était le double de ce qui existe actuellement, réparti équitablement sur tout le territoire national, cela n’aurait-il pas réduit l’impact de la pandémie sur les hôpitaux et ne nous aurait-il pas rendus plus confiants dans nos capacités sanitaires pour y faire face ?
° Le système sanitaire
Aujourd’hui, nous nous rendons compte dans ces circonstances difficiles de l’utilité de permettre aux Marocains d’avoir un nouveau système de santé accessible à tous. Les déséquilibres du système de santé doivent être corrigés par l’adoption d’un système complet d’assistance médicale basé sur l’équité et la justice territoriale et l’adoption d’une vision globale dans la gestion du secteur de la santé qui ne doit pas être basée sur le modèle médical purement pathologique et thérapeutique.
Pour rappel, notre pays ne fait pas partie des pays qui ont des systèmes de santé solides et qui n’ont qu’à renforcer leurs capacités ou à augmenter leur capacité d’accueil pour faire face à une crise « passagère ». Ces pays peuvent considérer l’investissement supplémentaire dans le secteur de la santé comme une priorité conjoncturelle. Par contre, nous, au Maroc, nous souffrons de faiblesses structurelles de notre système de santé. Par conséquent, cette pandémie n’est qu’une incitation qui nous met devant toutes nos responsabilités pour faire avancer ce secteur et tourner la page du passé marquée par les dysfonctionnements de la carte médicale, le manque de ressources humaines, les faibles capacités financières et la faiblesse de la couverture sociale.
Dans ce contexte, nous devons saisir cette opportunité pour élargir, d’une part, l’adhésion au système de sécurité sociale et pour inscrire, d’autre part, tous les autres groupes sociaux dans le système Ramed. Ce dernier a besoin de simplification des procédures d’adhésion et de mise à jour de ses informations et ce, dans le but de servir les intérêts des citoyens et préserver leur dignité. Nous avons besoin également de sensibiliser les bénéficiaires de leurs droits ainsi que le personnel des hôpitaux de leurs devoirs envers cette couche sociale.
° Le système éducatif
La pandémie et le confinement sanitaire ont mis en évidence la capacité d’adaptation du système éducatif. Cela est dû aux efforts consentis par le ministère, les AREF, les universités et les professeurs. En plus de ses tâches habituelles, le confinement sanitaire a placé le système éducatif face à de nouveaux défis tels que l’enseignement à distance ou la recherche scientifique dans les domaines liés à la pandémie et ses répercussions. Cette crise sanitaire a mis en évidence le rôle primordial du système d’éducation publique, d’une part, et les limites des choix néolibéraux mis en place lors de ces dernières années, d’autre part. Nonobstant la confusion de certains patrons d’établissements privés et les problèmes d’égalité des chances pour l’accès à Internet et aux ordinateurs, l’école publique marocaine était au rendez-vous, que ce soit en termes de prise de décision au bon moment ou en termes de mobilisation de toutes les capacités techniques pour réussir l’expérience de l’enseignement à distance ou en termes de programmation des examens et de préparation de la prochaine rentrée scolaire.
Cela montre qu’une réforme est possible et que nous n’avons besoin que d’une volonté politique forte, d’une cohésion nationale et de notre responsabilité envers la génération montante. Cette conjoncture difficile a également démontré que l’enseignement supérieur public n’est pas seulement le sommet de la pyramide du système éducatif, mais qu’il doit plutôt être considéré comme le pilier qui contribue au progrès du pays, à la démocratisation de ses institutions et à l’édification d’une société moderniste dans laquelle règne la justice sociale. L’enseignement supérieur public participe à la production de nouvelles connaissances nécessaires pour développer les compétences nécessaires dont le pays a besoin, comme les médecins, les infirmières, les ingénieurs, les techniciens, les professeurs, les penseurs, les employés, les entrepreneurs, les artistes et autres.
Pour cela, nous considérons que la gratuité de l’enseignement est un droit pour le peuple marocain et un engagement et un contrat entre l’Etat et la société, et nous soulignons la nécessité de garantir une justice numérique et linguistique à tous les catégories sociales du peuple marocain.
° Réseaux de sécurité sociale
Enfin, cette pandémie a résolu le «nœud» de l’aide sociale directe que nous demandions depuis des décennies. Aujourd’hui, même si le registre national unifié n’a pas encore été mis en place, les ministères des Finances et de l’Intérieur ont fait preuve d’une grande capacité de réaction face à cette pandémie et ont pu distribuer des subventions financières (en moyenne 1000 dirhams) à plus de quatre millions de ménages. Ce qui nous rassure sur la possibilité de mettre en place des réseaux de sécurité sociale ciblant les catégories sociales défavorisées ou vivant dans une situation précaire. Même au niveau du financement, les chiffres montrent que les montants requis sont raisonnables dans les limites du budget de l’Etat si la problématique de la Caisse de compensation a été réglée, et si l’on parvient à la fusion de plusieurs Caisses qui fournissent des subventions rentrant dans le même cadre, et ce après la clarification du statut des bénéficiaires et la mise à jour des informations les concernant.
Pour cela, il faut traiter sérieusement les données que la situation actuelle a révélées et qui constituent une banque d’informations sur la situation économique et sociale du pays et démontrent des faits horribles en matière de précarité de l’économie et de faiblesses dues notamment à la prépondérance de l’informel. Cela exige une révolution dans l’approche à adopter pour surmonter la situation actuelle et la précarité, tout en affirmant qu’il est temps d’opérationnaliser le Registre social unique tant attendu.
2- Poser les jalons d’une nouvelle économie nationale
Vu que nous sommes devant une crise économique sans précédent, à la fois une crise de l’offre et de la demande, en sortir dans le cas du Maroc tout particulièrement ne peut se faire via une politique de relance économique traditionnelle consistant à verser des fonds dans le système financier et à aider les entreprises en détresse. Nous sommes appelés aujourd’hui plus que jamais à mettre fin aux pratiques du passé.
° La priorité accordée à faire face aux risques de liquidité ne doit pas cacher d’autres risques qui nous guettent
La fermeture totale et inopinée du pays, qui était et est toujours nécessaire pour la préservation de la vie des citoyens, a impacté la majorité des entreprises marocaines et affecté leur capacité à faire face aux risques de liquidités. Pour cette raison, la réaction du gouvernement à travers « le Comité de veille économique » était judicieuse et vitale pour atténuer ces risques.
Cependant, nous ne devons pas nous contenter de cela et nous devons nous focaliser sur les risques de solvabilité qui pourraient empirer avec le retard de la reprise de l’activité économique. Le gouvernement pourrait acheter les dettes de certaines entreprises ou même contribuer au capital de certaines d’entre elles pour atténuer le poids de la dette pesant sur leurs budgets et pour leur permettre de continuer à investir et à employer. L’Etat pourrait même les nationaliser provisoirement pour éviter leur faillite. Il faut préciser que le recours ici à la nationalisation n’est pas fondé sur un référentiel idéologique, mais il viserait à sauver les entreprises nationales de la faillite et, partant, les postes d’emploi. A titre d’exemple, nous sommes aujourd’hui face à un modèle de mauvaise gestion d’une société nationale du secteur privé qu’il faut penser à nationaliser pour tirer profit de ses actifs vu la situation actuelle du marché mondial du pétrole. Il s’agit en l’occurrence de la SAMIR.
Le problème de liquidité affecte également la balance des paiements. Les rapports du bureau de change sur le commerce extérieur montrent comment la crise du Covid-19 affecte la balance commerciale marocaine. En effet, la valeur des exportations a dégringolé beaucoup plus que celle des importations. S’ajoute à cela la baisse prévue des recettes du tourisme, des transferts d’argent des MRE et de l’investissement étranger. Cette situation ne peut nous conduire qu’à un choc que même la baisse de la facture énergétique ne peut en atténuer l’impact. Pour cette raison, il est urgent de prendre des mesures pour réduire l’importation des produits considérés « non nécessaires » et revoir les accords de libre-échange qui portent préjudice à l’acteur économique marocain.
° La politique fiscale et la structuration du secteur informel
Les efforts consentis par le gouvernement restent incomplets à cause de l’importance du secteur informel, c’est-à-dire qu’un nombre important de Marocains ne sont pas intégrés au système fiscal et à la CNSS.
La politique fiscale et les mécanismes de la protection sociale ne sont que des outils de pilotage pour la gestion de la société et la préservation de sa cohésion pendant les crises. Et si le Maroc n’avait pas œuvré depuis son indépendance à mettre en place ces mécanismes (en dépit de ses limites), nous pourrions être aujourd’hui parmi les pays « faibles » qui nécessiteraient non seulement l’aide financière et l’accès aux crédits, mais auraient besoin également de quelqu’un qui pourrait gérer avec eux cette crise et acheminer les aides à leurs citoyens.
Pour cela, la mise en place d’une politique fiscale équitable et équilibrée est une nécessité vitale pour le Maroc post-crise Covid-19 pour que nous puissions être en mesure de faire face à des crises futures avec plus d’efficacité et moins de coût pour les finances publiques et pour que notre politique économique ait un grand effet.
Nous devrions, donc, affronter les dysfonctionnements du système fiscal par : 1) l’élargissement de l’assiette fiscale pour inclure toutes les activités commerciales y compris les nouvelles activités (l’économie numérique par exemple). La crise a dévoilé la limite du phénomène du « bricole » et a répondu à tous ceux qui mettaient en doute l’utilité de payer les impôts ou de déclarer les employés au niveau des Caisses de protection sociale, ce qui permettrait d’élargir l’assiette fiscale ; 2) La pénalisation de la fraude fiscale, car un texte de loi n’a aucune valeur s’il n’inflige pas des sanctions aux contrevenants ; 3) la structuration de l’économie informelle par la révision du seuil fiscal pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés pour encourager la structuration du secteur informel que la crise actuelle a montré qu’il constitue une partie importante de l’économie nationale, ce qui rend vains les efforts consentis par le gouvernement et la Banque centrale ; 4) l’instauration d’un impôt sur la fortune : l’esprit d’unité nationale, les principes de solidarité collective et la garantie de la capacité de l’Etat à sauvegarder les droits acquis nécessitent une participation forte, claire et mobilisée du capital national et de ceux qui ont des fortunes importantes pour protéger la capacité interventionniste de l’Etat. Cela passe par la mise en place d’un impôt sur la fortune qui constituerait une réserve supplémentaire s’ajoutant aux ressources de l’Etat (compte tenu notamment de la baisse des recettes de l’Etat à cause de la pandémie), et sur le plan moral une expression d’engagement conscient et efficace pour garantir les conditions de naissance de l’Etat protecteur qui serait le pilier de tout nouveau modèle de développement.
Ce sont des conditions préalables pour rééquilibrer les finances publiques, d’une part, et pour permettre au gouvernement de disposer des mécanismes qui seraient à même de redynamiser les secteurs sinistrés et d’orienter l’investissement vers de nouveaux secteurs, d’autre part.
° La nécessité du soutien de la production nationale pour que celui de la consommation ne nous pousse pas à augmenter les importations
La promotion de la production nationale est inévitable pendant et après la crise du Covid-19, suite à la perturbation des chaînes de production à l’échelle mondiale, ce qui a impacté les échanges commerciaux internationaux, d’une part, et vu que la plupart des gouvernements sont conscients aujourd’hui qu’un minimum d’autosuffisance est devenu nécessaire pour faire face à cette crise mondiale, d’autre part.
A cet égard, nous avons déjà plaidé dans notre mémorandum sur le nouveau modèle de développement et dans notre programme électoral des élections législatives de 2016 pour l’importance de la reprise de l’initiative nationale et pour ne pas miser sur l’acteur extérieur seulement (qu’il soit investisseur ou marché pour vendre nos produits). Nous avons considéré que les PME doivent être au centre des politiques monétaires, des stratégies sectorielles et de la gestion du climat d’affaires, dans le but de les développer, de les protéger et d’augmenter leurs capacités concurrentielles, ce qui leur permettrait de garantir des postes de travail, d’approvisionner le marché intérieur et de se diriger ensuite vers l’exportation.
Les événements actuels sont un bon exemple de la capacité des entreprises marocaines à s’adapter et de la capacité de l’employé marocain à innover. Et nous avons pu pendant quelques semaines développer l’industrie des masques à tel point que nous avons atteint l’autosuffisance et, mieux, nous avons commencé à exporter le surplus.
° Quid des nouvelles politiques sectorielles ?
Etant donné que nous sommes en train de poser les jalons d’un nouveau modèle de développement, il faut créer de nouveaux mécanismes de production de la richesse surtout après l’impact de la pandémie sur plusieurs secteurs économiques, ce qui rend impossible le fait de pouvoir travailler comme c’était le cas avant cette crise.
Et étant donné que la société moderniste solidaire à laquelle nous aspirons n’est pas seulement solidaire hic et nunc, mais il est également question, selon nous, d’une solidarité intergénérationnelle, nous considérons que l’économie verte est l’un des piliers essentiels sur lesquels repose notre modèle de développement.
La croissance verte est une occasion pour dépasser les modes de production et de consommation non durables et gaspilleurs. Il ne s’agit pas ici de se contenter de prendre en compte les questions environnementales dans les décisions d’investissement dans l’infrastructure par exemple, mais il s’agit d’une vision globale pour l’ensemble de la politique nationale qui viserait le développement durable protégeant le capital naturel et garantissant une vie digne aux citoyens sur tout le territoire national (surtout les habitants des zones isolées dans les montagnes et les oasis et les citoyens transhumants). Il n’est pas question ici d’appliquer les recommandations des institutions financières internationales ou des bureaux d’études, mais il s’agit plutôt d’un besoin urgent compte tenu de la rareté des ressources en eau et de la fragilité de l’écosystème de notre pays, ce qui a eu des effets désastreux ces dernières années sur nos concitoyens.
Evidemment, nous ne demandons pas d’appliquer des plans préparés d’avance par les institutions internationales, mais nous espérons que la créativité du Marocain ferait ses preuves encore une fois dans ce domaine et que le capital national -avec le soutien de l’Etat- pourrait développer quelques expériences embryonnaires en vue d’améliorer les conditions de vie, de créer les postes de travail et de diminuer la pauvreté et l’immigration. Un exemple des secteurs qu’on peut développer est le secteur de la production des plantes médicinales dont regorge notre pays pour que nous puissions passer d’un pays exportateur des matières premières à un pays exportateur des produits essentiels qui rentrent directement dans l’industrie des médicaments et des produits cosmétiques. Il faut citer également les initiatives d’exploitation des énergies renouvelables et qui nécessitent la réglementation de leur vente du secteur privé au réseau national de l’électricité, ainsi que les initiatives de recyclage des déchets, etc.
Il y a lieu de signaler que cette orientation faciliterait l’accès au financement dans le marché mondial surtout après cette pandémie qui a changé la vision des institutions financières quant au rôle de l’économie verte et a convaincu beaucoup de gens de la nécessité d’éviter l’exploitation des ressources de la terre et de préserver notre mode de vie.
Pour cette raison, nous proposons que notre modèle d’une économie verte au Maroc passe tout d’abord par le secteur de l’agriculture, à travers l’encouragement de l’agriculture biologique, le soutien aux petits agriculteurs en leur permettant d’acquérir la propriété des terres et le financement et l’accompagnement technique. Cela aurait un double effet : d’une part, la production de produits alimentaires de qualité pour le marché intérieur, ce qui améliorerait la santé des citoyens et permettrait d’exporter le surplus compte tenu de l’augmentation de la demande pour ces produits ; et d’autre part, l’augmentation du revenu des ménages dans le monde rural et, partant, l’atténuation de la pression migratoire sur les villes dont les quartiers marginalisés souffrent de la densité de la population et de conditions de vie difficiles.
La crise de Covid-19 constitue un tournant majeur et historique de la civilisation humaine et un changement de l’essence de la présence de l’homme dans le travail, la communication sociale, l’éducation et la formation. Notre pays ne peut, donc, pas être une île isolée dans cette énorme transformation de la vie. Il doit plutôt faire partie de la révolution numérique et du développement technologique pour sortir des vulnérabilités structurelles qui caractérisent nombre de ses secteurs, notamment l’éducation, la recherche scientifique, la justice et d’autres. Il doit également porter une forte attention à la recherche scientifique dans tous les domaines dont ceux de la biomédecine et de l’intelligence artificielle, car ils produisent de la plus-value, financièrement et moralement, et ouvrent des perspectives importantes.
Quant aux secteurs sinistrés suite au confinement sanitaire, nous avons besoin de beaucoup de courage et de créativité pour sortir de la crise. Le secteur du tourisme, à titre d’exemple, a été fortement impacté par la fermeture des frontières et l’arrêt du mouvement des voyageurs. En effet, la Confédération nationale du tourisme estime les pertes du secteur à 46 milliards de dirhams à l’horizon 2022. Sachant que ce secteur assure environ 500.000 postes de travail et que son retour à la situation normale dans un an ou deux ans est impossible. Le soutien aux entreprises de ce secteur ne sera pas suffisant tant que l’offre sera sans aucun doute plus importante que la demande, ce qui aura pour conséquence la fermeture de certaines unités hôtelières et entreprises touristiques. Pour cela, il faut, d’une part, encourager le tourisme intérieur en développant un produit touristique répondant aux attentes et aux intérêts du touriste marocain et, d’autre part, prendre en compte les travailleurs dans ce secteur et préparer des programmes pour requalifier une partie d’entre eux et les réorienter vers d’autres secteurs.
Idem pour le secteur des services et du commerce qui sera impacté par le changement des modes de consommation et par le développement du commerce numérique (en Chine, après le déconfinement environ 30% de la population effectue ses achats via Internet au lieu de se rendre aux boutiques commerciales traditionnelles).
Enfin, il faut développer les capacités des régions et des provinces en prévision d’un avenir plein de dangers qui nous guettent comme ceux que nous vivons aujourd’hui. Cela passe par deux mécanismes :
° Développer un réseau logistique afin de renforcer les capacités des régions et des provinces pour atteindre l’autosuffisance dans des domaines vitaux comme l’énergie, les produits alimentaires de première nécessité et la santé ;
° Préserver les terres agricoles de l’extension urbaine et encourager leur exploitation dans l’agriculture.
° Mettre fin aux pratiques du passé en instaurant les principes d’équité, de solidarité et de bonne gestion.
L’encouragement du capital national producteur, employeur et innovateur exige l’élimination de l’économie de rente, de la spéculation, du monopole et autres pratiques visant l’enrichissement rapide d’une minorité, sans créer aucune valeur ajoutée ni à la nation ni aux citoyens. Par conséquent, le système fiscal doit être nettoyé de toutes les niches fiscales et l’inspection de l’administration fiscale devrait être dotée des capacités humaines et matérielles pour lutter contre l’évasion fiscale.
En ce qui concerne les indemnités perçues pour les responsabilités représentatives, exécutives et constitutionnelles, et pour établir le principe de bonne gestion rationnelle des dépenses et compte tenu de l’urgence de réduire les dépenses injustifiées, on souligne la nécessité de mettre en place une règle juridique interdisant le cumul des salaires et des indemnités dans les instances territoriales et professionnelles élues et les institutions constitutionnelles et administratives, et ce dans le but de contribuer à la moralisation de la vie publique et de lutter contre les pratiques négatives qui contredisent les principes de bonne gouvernance, de bonne gestion et de rationalisation des dépenses publiques. Il faut également mettre en place une règle juridique interdisant à toute personne de bénéficier de plus d’une pension de retraite en provenance des finances publiques.
La nécessité de réduire les dépenses de gestion et de renoncer aux aspects du luxe pour pouvoir garantir des ressources et de les investir dans les services publics, afin de répondre aux demandes, de plus en plus évidentes des catégories les plus vulnérables ou en voie de le devenir.
Et enfin la nécessité d’activer les instances de gouvernance chargées de la lutte contre la corruption en raison des rôles qu’elles devraient jouer pour faire face à ces phénomènes qui coûtent cher à l’économie marocaine.
° L’évaluation, la mise à jour et le contrôle
Nos ressources sont limitées et nécessitent une utilisation rationnelle et efficace. Pour cela, le versement de l’argent par l’Etat pour le secteur privé ne doit pas être considéré comme un chèque en blanc. Au contraire, le gouvernement doit activer les moyens de contrôle et de suivi et assumer ses responsabilités dans ce domaine en présentant des rapports de façon périodique au Parlement à propos de la gestion de la pandémie, de ses répercussions et du sort de l’argent versé soit du budget de l’Etat ou du « fonds Covid-19 ».
On doit également être armé pour assurer le suivi et le contrôle de tout ce qui se passe durant la période de déconfinement, pour tirer les leçons et réagir rapidement en vue de revoir le cas échéant les mesures que nous avons prises.
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