Hasna Abou Zeid : Il faut déconstruire le mythe selon lequel le Polisario serait l’unique représentant du peuple sahraoui
Mohamed Lakhassassi : Rien n’empêche le Maroc de retirer sa confiance à Christopher Ross puisque les évènements ont prouvé qu’il était partial
Moussaoui Ajlaoui : Le dernier rapport de Ban Ki-moon a dévoilé son parti pris
Abdelhamid Jmahri : Le cadre institutionnel adéquat pour se concerter à propos du Sahara est le Conseil supérieur
de sécurité
Mohamed Benabdelkader : Il est nécessaire de rénover l’approche concernant la gestion de ce conflit artificiel
Le Groupe socialiste au Parlement a tenu mercredi dernier un conclave à la Chambre des représentants pour débattre de la stratégie de l’USFP et du Maroc dans l’affaire du Sahara, surtout après les derniers développements qui ont été interprétés comme des signes avant-coureurs d’un revirement dans les principes concernant le traitement de ce dossier au niveau des Nations unies.
Ont pris part à cette conférence nationale le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, le président de la Commission administrative nationale, Habib El Malki, et plusieurs experts et cadres du parti.
D’emblée, Mohamed Lakhassassi a appelé à tirer des leçons de la crise entre le Maroc et le secrétariat général de l’ONU et de la duplicité des Etats-Unis. Il a rappelé, à ce propos, les positions prises par ce dernier pays en 2013 concernant l’extension des attributions de la MINURSO à la surveillance des droits de l’Homme ; et la rédaction par lui du premier draft de la résolution du Conseil de sécurité insistant sur l’urgence du rétablissement dans ses fonctions de la composante civile et politique de ladite mission.
Pour lui, ces positions constituent un véritable revirement de la position américaine dans le traitement de ce dossier. Car en 2004, le Conseil de sécurité avait pressenti l’échec de l’option du référendum et appelé les parties impliquées dans cette affaire à parvenir à « une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable ». Et effectivement, le Maroc y a souscrit en présentant un Plan d’autonomie en 2007.
Selon ce militant ittihadi de longue date et ancien ambassadeur du Maroc en Syrie, le retour de la composante civile et politique n’est pas le problème, mais il faut en redéfinir les fonctions car l’objectif de celle-ci était de veiller à l’organisation du référendum, et que vu l’impossibilité de l’organiser, l’existence même de cette composante n’a plus de raison d’être. Néanmoins, a-t-il précisé, le Maroc avait commis une erreur, car il devait poser la question de la présence de cette composante en 2004 et tout particulièrement en 2007.
Il a donc appelé la diplomatie marocaine à adopter une stratégie offensive sur quelques dossiers importants. Notamment la question des Marocains séquestrés par l’Algérie à Tindouf depuis les années 70 et celle de la zone tampon. Pour ce faire, il faut lancer une campagne diplomatique visant à mettre en lumière le fait que cette zone fait partie du territoire national et à poser la question de l’envoyé personnel de l’ONU au Sahara, Christopher Ross. Selon Mohamed Lakhassassi, ce dernier a joué un rôle négatif dans l’affaire du Sahara et toutes les décisions portant atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc émanent de lui. Ceci d’autant plus que rien n’empêche le Maroc de lui retirer sa confiance puisque les évènements ont prouvé qu’il était partial.
Pour sa part, Hasna Abou Zeid, membre du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, a appelé le parti à ouvrir un débat profond sur le principe d’autodétermination que l’Algérie et le Polisario monopolisent et instrumentalisent en vue d’arriver à leurs fins. Elle a affirmé dans ce sens que ce principe ne doit pas faire peur aux Marocains au regard du fait qu’une résolution du Conseil de l’Europe datant de 2012 affirme que l’autodétermination ne signifie absolument pas l’indépendance.
Par ailleurs, elle a appelé à déconstruire le mythe selon lequel le Polisario est « l’unique représentant du peuple sahraoui », affirmant, par la même occasion, que les vrais représentants des Sahraouis sont ceux qui tirent leur légitimité des urnes.
Pour sa part, Moussaoui Ajlaoui, chercheur à l’Institut des études africaines (Université Mohammed V à Rabat), a affirmé que le Polisario ne dispose pas d’une vision à même de lui permettre de créer un Etat indépendant au Sahara marocain. A preuve, il n’a produit aucun document sur la forme de l’Etat qu’il veut y instituer.
L’intervenant a, par ailleurs, affirmé que le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a dévoilé son parti pris et sa partialité. En outre, la teneur de son rapport est toxique, car il vise à changer les paramètres et les références qui ont jusqu’ici sous-tendu le traitement de ce conflit artificiel. A ce propos, il a relevé que le paragraphe 91 dudit rapport gomme d’un trait tout le processus politique engagé depuis 2007 en omettant, à dessein, de parler du Plan d’autonomie proposé par le Maroc et considéré par les membres du Conseil de sécurité comme sérieux, crédible et réaliste. D’après ce chercheur, ce changement n’est pas fortuit, mais s’inscrit dans une dynamique lancée depuis 2012 et visant à changer d’approche dans la gestion de cette affaire.
Abdelhamid Jmahri, écrivain et journaliste a, pour sa part, appelé à en finir avec ce qu’il a nommé « le rêve américain » après la volte-face de la diplomatie américaine, à revoir le Plan d’autonomie et à initier une négociation directe entre les Marocains et le Polisario.
L’intervenant a aussi insisté sur le fait que l’Algérie n’est pas considérée par l’ONU comme partie dans cette affaire, alors qu’elle tient les rênes du Polisario. Pour cette raison, il a appelé à ce que l’ONU reconnaisse Alger comme partie prenante dans cette affaire ou à encourager des négociations directes entre le Royaume et le Polisario.
Par ailleurs, il a mis en exergue le fait que l’affaire du Sahara ne concernait pas seulement l’Etat ou le Palais, mais l’ensemble du peuple marocain et ses forces vives. Dans ce sens, il a estimé que le cadre institutionnel adéquat pour se concerter sur ce sujet est le Conseil supérieur de sécurité stipulé par la Constitution de 2011, mais qui n’a pas encore vu le jour.
Pour sa part, Mohamed Benabdelkader, coordinateur du secrétariat des relations internationales de l’USFP, a plaidé pour la rénovation de l’approche concernant la gestion de ce conflit artificiel et pour l’élaboration d’une nouvelle stratégie, du moins au sein de l’USFP.
Cette nouvelle stratégie doit s’inscrire, selon lui, en rupture avec certains paradigmes qui ont prévalu jusqu’à présent dans le traitement de ce sujet.
Il s’est aussi inscrit en faux contre l’idée que le Maroc a des alliés perpétuels, car « nous ne sommes pas des alliés, mais des clients ». Par ailleurs, il a mis en garde contre « l’arabisation » de la question du Sahara marocain et son insertion dans le cadre d’une opposition entre deux alliances : l’alliance Iran-Algérie et l’alliance Maroc-Arabie Saoudite.
Il convient de rappeler que le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, a ouvert ces Assises en prononçant une allocution dans laquelle il a appelé à changer de paradigmes dans le traitement du dossier du Sahara, tout en rappelant que le parti de la Rose l’a toujours considéré comme une priorité dans sa stratégie. Il a par ailleurs déclaré : « Vu que notre parti n’a jamais été un parti de circonstance, vu que nous n’avons jamais fait partie de ceux qui se font de la rhétorique pour commenter les évènements et vu que nous ne limitons pas l’action parlementaire à la fonction tribunitienne, nous nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre des derniers développements concernant l’affaire nationale pour en comprendre les tenants et les dimensions, pour clarifier davantage notre vision, et mettre à jour nos outils de travail sur les fronts nationaux et internationaux ».
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