La loi sur l’accès à l’information passée à la loupe lors d’une conférence organisée par l’OMDH à Casablanca
“Cette loi constitue une évolution qualitative dans la culture administrative marocaine qui était marquée par le secret». C’est ainsi que Mohamed Benabdelkader, ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’administration a qualifié la loi n°31-13 sur le droit d’accès à l’information, lors d’une conférence organisée la semaine dernière à la Maison de l’avocat à Casablanca par l’OMDH-section Casablanca.
Contrairement à ce qu’en pensent certains, cette loi, publiée le 12 mars 2018 et entrée en vigueur le 12 mars dernier, soit un an après sa publication, s’adresse, selon le ministre délégué, à tous les citoyens et pas uniquement à une catégorie professionnelle précise.
Il a souligné l’importance de cette loi qui s’inscrit dans le cadre de la mise en application des dispositions constitutionnelles. Notamment celles contenues dans l’article 27 qui stipule que tous « les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public ».
Cette loi s’inscrit également dans le cadre de la mise en application de l’un des objectifs du programme gouvernemental visant à renforcer la confiance entre l’administration, d’une part, et les citoyens, d’autre part.
Selon lui, l’adoption de cette loi relative au droit d’accès à l’information est l’une des conditions essentielles pour l’adhésion au partenariat pour un gouvernement ouvert.
Le débat, a précisé Mohamed Benabdelkader, doit porter essentiellement sur la manière de sa mise en œuvre, soulignant que son département a déjà préparé une feuille de route concernant les mesures et mécanismes visant à sa mise en œuvre ainsi qu’un programme de formation des fonctionnaires qui seront chargés de fournir les informations demandées par les citoyens.
Au lieu de juger défavorablement un texte de loi dont la date d’entrée en vigueur est récente, le ministre délégué préfère que le débat porte sur les modalités et les mesures à prendre pour que les citoyens puissent exercer ce droit fondamental dans toute démocratie digne de ce nom.
Pour sa part, Jalal Taher, avocat au barreau de Casablanca, a soutenu que cette loi est fort importante, car elle permet la transparence de la vie publique, de fournir l’information fiable d’une source responsable, ce qui mettra, par ricochet, fin aux fausses informations et aux rumeurs.
Il a affirmé, en substance, qu’il faut attendre sa mise en application pour en voir les lacunes et partant œuvrer à les combler et à les corriger, soulignant que quelques-uns de ses articles comprennent des restrictions qui ne sont pas nécessaires comme c’est le cas de l’article 9.
Pour sa part, Abdelhaq Andalib, vice-président du Forum marocain pour la vérité et l’équité, a mis l’accent sur le contexte politique dans lequel ce texte a été adopté. «Cette loi s’inscrit dans le cadre du renforcement du choix démocratique de notre pays et de l’engagement international du Maroc en matière de droits de l’Homme», a souligné l’intervenant.
En outre, il a mis l’accent sur les référentiels internationaux sur lesquels se base cette loi. Il s’agit de la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée en 1949 et notamment l’article 19 ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il a, par ailleurs, souligné que la législation internationale la plus importante en la matière est celle qui met en avant 9 principes essentiels élaborés par le rapporteur onusien chargé du droit du public à l’information. Ces principes ont été adoptés par l’Assemblée générale de l’ONU comme étant des critères importants qu’il faut impérativement prendre en considération dans toute législation nationale relative au droit d’accès à l’information. Il s’agit en l’occurrence de la divulgation maximale, l’obligation de publier, la promotion de la transparence de l’administration, le régime limitatif d’exceptions, la procédure d’accès, la réduction des coûts, l’ouverture des réunions au public, la primauté de l’obligation de divulgation et de protection des personnes signalant des irrégularités.
S’agissant de la législation nationale, l’intervenant a mis l’accent sur la Loi suprême dont l’article 27 a consacré ce droit considéré comme étant l’un des droits fondamentaux dans toute démocratie ouverte. Et de rappeler les principales dispositions de la loi adoptée par le législateur marocain après un débat houleux au sein de l’institution parlementaire.
« Il est certain que la mise en œuvre de cette loi est le test principal pour en déceler certaines lacunes, mais il est maintenant nécessaire d’encourager les citoyennes et les citoyens à en profiter au plus grand degré », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « Il s’agit d’un acquis et d’une avancée en matière de droits de l’Homme qui auront de toute évidence des répercussions positives sur tous les autres droits. Cela renforcera la culture de la démocratie participative et visera à développer les capacités des citoyennes et des citoyens afin de participer de manière positive et efficace au suivi de la gestion des affaires publiques et locales et de développer des positions appropriées et indépendantes sans être affectés par des mesures visant à bloquer des informations ou à propager des rumeurs. Cela permettra à toutes les citoyennes et à tous les citoyens de se forger leurs propres choix et leurs positions indépendantes dans les domaines politique, économique, social et intellectuel ».
Mohammed Amgar, professeur universitaire et avocat au barreau de Casablanca, a présenté dans son intervention plusieurs problématiques juridiques concernant la mise en œuvre de ladite loi.
L’une des problématiques évoquées par l’intervenant est celle concernant les personnes qui ont le droit d’adresser une demande pour accéder à des informations à caractère public. « Cette loi est conservatrice dans le sens où elle accorde ce droit uniquement aux citoyennes et citoyens qui ont la nationalité marocaine et aux étrangers qui résident légalement au Maroc », a-t-il soutenu.
Selon lui, l’article 2 de ladite loi cite les institutions et organismes qui peuvent donner des informations. Il s’agit de la Chambre des représentants, de la Chambre des conseillers, des administrations publiques, des tribunaux, des collectivités territoriales, des établissements publics et toute personne morale de droit public, de toute autre institution ou organisme de droit public ou privé investi de mission de service public, ainsi que des institutions et des instances prévues au titre XII de la Constitution. « S’agit-il d’une liste exhaustive ou non ? Faut-il y ajouter d’autres institutions et organisations constitutionnelles comme le Conseil économique, social et environnemental ou le Conseil supérieur de sécurité ? », s’est-il interrogé.
Il y a lieu de signaler que le secrétaire de l’OMDH à Casablanca, Mourad Hamdani, a souligné dans son allocution d’ouverture l’importance de cette conférence consacrée au droit d’accès à l’information surtout dans un monde qui connaît une révolution numérique sans précédent et dans lequel les citoyens sont devenus assoiffés d’informations.
Il a, par ailleurs, salué Hassan Birouaine, bâtonnier du barreau de Casablanca, pour le soutien qu’il accorde aux activités des droits de l’Homme à Casablanca en général et celles de l’OMDH, mettant en avant que le partenariat entre les défenseurs des droits de l’Homme et l’ordre des avocats et des juristes en général est fort important pour renforcer l’Etat de droit au Maroc.
Cette conférence, rappelle-t-on, a été marquée essentiellement par la présence d’Omar Ouidra, ancien bâtonnier de l’Ordre de Casablanca et le président de l’Association des barreaux du Maroc (ABAM), le bâtonnier Mohamed Hissi, Saad Eddine Tounssi, président de l’Association des jeunes avocats du Maroc et les membres du bureau de ladite association, ainsi que plusieurs militants des droits de l’Homme.
Mourad Tabet
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