La logique d’une vision stratégique claire et intégrée fait défaut à l’action du gouvernement
Le député ittihadi, El Hassan Lachguar, est allé droit au but lors de son passage mardi 30 novembre dans l’émission « Chabab Fi Al Wajiha » (Jeunesse sur le front) sur la chaîne Al Oula pour débattre du projet de loi de Finances 2022.
« Certes, le gouvernement est numériquement fort, mais il ne dispose pas de visions claires», a mis en avant le député socialiste lors de cette émission avant de souligner que «le gouvernement travaille avec la logique de la tactique, c’est-à-dire avec des mesures limitées et courttermistes, et non pas avec la logique d’une vision stratégique claire et intégrée ». La cas du secteur de la santé en est la preuve.
Selon le membre du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, le budget du secteur de la santé dans la nouvelle loi de Finances s’élève à 23 milliards de dirhams, soit une augmentation de 3% par rapport à celui de l’an dernier, tout en ajoutant que le programme électoral de l’USFP affirme que pour mettre en œuvre le programme de protection sociale, il est nécessaire de fixer un calendrier clair à même de augmenter le budget de ce secteur de 10 %.
El Hassan Lachguar a également précisé que la pandémie a mis à nu plusieurs dysfonctionnements dont souffre le secteur de la santé dans notre pays, notamment en termes de structures hospitalières et de moyens logistiques, appelant le gouvernement à la valorisation des ressources humaines du secteur de la santé qui étaient en première ligne pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19.
Pour lui, le gouvernement n’a pas œuvré à augmenter les postes budgétaires dans le secteur pour combler le déficit en termes de ressources humaines dans de nombreux hôpitaux de diverses régions et provinces. Ainsi, le nombre de postes budgétaires proposé dans le PLF 2022 ne dépasse pas les 5.500, c’est-à-dire le même que celui de la loi de Finances de l’année 2021.
El Hassan Lachguar a également fustigé la fait que le gouvernement ait fait fi de la plupart des amendements présentés par l’opposition concernant le PLF 2022, ajoutant qu’il a œuvré systématiquement et sans justifications acceptables à les rejeter, notamment ceux liés aux impôts sur la consommation et le revenu.
Il a critiqué certaines mesures et décisions gouvernementales qui ont contribué à la tension sociale, comme la décision du ministre de l’Education nationale de faire baisser à 30 ans l’âge maximum exigé pour pouvoir participer aux concours de recrutement d’enseignants et de cadres administratifs. «Durant la campagne électorale, nous avons entendu certains partis promettre une augmentation de salaires de 2.500 dirhams pour les enseignants contractuels et aujourd’hui vous voyez que la rue est en ébullition suite à la décision du ministre de l’Education nationale», a-t-il souligné.
Par ailleurs, lors d’un colloque national organisé par l’Ecole normale supérieure de Tétouan en partenariat avec le Centre marocain d’études et de recherches en économie et développement durable (CMEREDD) sous le thème «Lecture dans la loi de Finances 2022», El Hassan Lachguar a tiré à boulets rouges sur l’Exécutif.
«Le Maroc fait face à de grands défis et ne peut pas aller vers l’avenir avec les mêmes visions et perceptions antérieures qui ont eu des conséquences très négatives sur la situation économique et sociale. Le gouvernement actuel navigue à vue, parce qu’il n’a pas tiré profit des circonstances et des contextes qui étaient en sa faveur», a souligné, à juste raison, le membre du Groupe socialiste à la Chambre des représentants. Et d’ajouter que «le nouveau gouvernement n’a pas mis à profit les données et circonstances qui étaient en sa faveur pour préparer une loi de Finances répondant aux aspirations et attentes des citoyens, mais il a plutôt persisté à maintenir de nombreux concepts et visions qui n’emboîtent plus le pas aux évolutions et défis auxquels fait face le pays ».
Le contexte général, selon El Hassan Lachguar, était favorable à l’action du gouvernement quant à proposer une loi de Finances répondant aux attentes des Marocains. Sur le plan international, le monde est entré dans une phase de cohabitation avec la pandémie en ouvrant la voie à une relance économique internationale.
Quant à la situation régionale, le député ittihadi a rappelé les percées diplomatiques du Royaume concernant la question du Sahara, ainsi que tous les accords de partenariat qui devraient inclure, pour la première fois et grâce à la diplomatie clairvoyante de S.M le Roi, nos provinces du Sud. En outre, sur le plan national, El Hassan Lachguar a souligné que le Maroc connaît une grande ouverture politique «puisque, depuis 1956, nous ne nous sommes pas mis d’accord sur un modèle de développement spécifique, mais grâce aux luttes des forces vives du peuple marocain, le pays a pu franchir avec succès de nombreuses étapes difficiles et parvenir à une situation politique démocratique», laquelle, a-t-il mis en exergue, «était favorable au nouveau gouvernement, qui n’ a pas su en tirer profit d’une manière lui permettant de mettre en place des mécanismes et des politiques à même de favoriser le développement et la prospérité, comme c’était le cas du gouvernement de l’Alternace, qui avait rompu avec les conceptions et les perceptions qui prévalaient à l’époque et ayant constitué une entrave au développement économique et social du pays ».
Même s’il y a un consensus, a poursuivi le député socialiste, sur les objectifs définis dans la loi de Finances, «nous ne sommes pas d’accord sur les procédures et les mesures prises pour atteindre ces objectifs, car l’incertitude qui les entoure ne permet pas d’atteindre ce à quoi tout le monde aspire ».
Le député ittihadi estime, en outre, que l’élaboration de la loi de Finances pour l’année 2022 est restée incomplète «car elle n’a pas pris en considération les rapports des instances de bonne gouvernance, le nouveau modèle de développement, les autres rapports des instances nationales et internationales, les recommandations des Assises nationales sur la fiscalité (tenues les 03 et 04 mai 2019 à Skhirat) visant à atteindre l’équité fiscale, ou encore la loi-cadre relative à la fiscalité dont l’objectif est l’incitation à l’investissement et l’élargissement de l’assiette fiscale. Or ce que nous constatons, c’est une loi de Finances qui augmente les impôts versés par les classes moyennes et en même temps diminue les impôts sur les grandes entreprises, et cela s’inscrit en faux contre les recommandations des Assises nationales sur la fiscalité et encourage l’évasion fiscale ».
Par ailleurs, El Hassan Lachguar a mis l’accent sur l’importance du secteur de l’éducation nationale, en général, et de l’enseignement préscolaire, en particulier, tout en tirant à boulets rouges sur le gouvernement, car la loi de Finances 2022 ne définit pas d’objectifs clairs pour développer ce secteur.
Selon lui, l’enseignement préscolaire est confié à des associations en vertu de contrats passés avec l’Etat, sachant que «cet enseignement est un service public et qu’il aurait été plus judicieux que l’Etat s’en charge au lieu de le laisser entre les mains des associations », a-t-il précisé lors de cette conférence à laquelle ont pris part deux parlementaires de la circonscription de Tétouan et de Fnideq, en l’occurrence Hamid Eddarrk et Abdelnour El Hasnaoui.
L’intervention de Mohamed Assouali fut sur la même longueur d’onde. « La loi de Finances et le nouveau modèle de développement sont similaires, au niveau des titres et de la teneur, mais il n’y a pas la moindre similitude en termes de mise en œuvre et d’activation», a martelé Mohamed Assouali. Là-dessus, il a souligné que la loi de Finances 2022 est une reproduction de celles du gouvernement précédent, tout en s’interrogeant: «Qu’est-ce que ce gouvernement a ajouté aux lois de Finances mises en œuvre durant l’époque de Saad Eddine El Othmani ? » Il a affirmé que certaines hypothèses ont été avancées dans la préparation de la loi de Finances, comme celle concernant la récolte agricole estimée à 80 millions de quintaux de céréales, et l’ensemble du budget a été préparé en fonction de cette donnée, pour se demander comment, dans le cas d’un déficit pluviométrique, le gouvernement pourrait réagir face à cette situation. Idem pour la fluctuation des prix de butane et de pétrole au niveau des marchés mondiaux. En ce sens, il a estimé que le gouvernement doit désormais penser à une loi de Finances rectificative, car il y aura un déficit pouvant atteindre 5,9 % du PIB, tout en soulignant que «les hypothèses sur lesquelles a été fondée la loi de Finances sont trompeuses et incapables de répondre aux ambitions et de relever les défis ».
Pour sa part, le chercheur en finances publiques Karim Lahrach a exprimé son souhait de voir le PLF mettre effectivement en application la loi-cadre portant réforme fiscale, dans le but d’atteindre l’équité fiscale, d’assurer l’égalité, et de mobiliser toutes les capacités fiscales pour financer les politiques publiques et réformer le système fiscal de manière à renforcer une gouvernance fiscale efficace et efficiente.
Il y a lieu de rappeler que le directeur de l’Ecole normale supérieure de Martil, Zouheir El Amrani, avait souligné, au début de ce colloque, animé par Assim Ouakili Asraoui, que cet évenement est l’occasion de poser un ensemble de questions aux experts à propos de la loi de Finances 2022 pour apporter des réponses satisfaisantes sur ce sujet qui intéresse l’opinion publique, tout en affirmant que le nouveau gouvernement fait face à de nombreux défis, et qu’il est tenu de trouver des solutions aux problématiques importantes, notamment celles concernant le volet social comme l’éducation, l’emploi et la santé.
Mourad Tabet
Visitors comments ( 0 )