Pour répondre aux problématiques de la Méditerranée, il faut une volonté politique, de la créativité dans les idées et un projet approprié
«Le débat a été extrêmement réaliste». C’est la conclusion mise en exergue par Habib El Malki, président du Groupement d’études et de recherches sur la Méditerranée (GERM) au terme d’un débat organisé samedi par GERM sur le thème «Problématiques actuelles de la Méditerranée» auquel ont pris part des présidents d’universités, des doyens de facultés, des enseignants-chercheurs et des diplomates.
«Cette vision qui part de la réalité est prometteuse, surtout quand le débat permet non seulement d’écouter des enseignants-chercheurs, mais également des diplomates et des responsables à la tête d’institutions comme les universités».
Ce débat, a-t-il poursuivi, a permis de dégager des divergences «rassurantes» au niveau du diagnostic et des perspectives.
«Que faire pour faire face aux défis et répondre aux problématiques évoquées lors de la rencontre d’aujourd’hui concernant la stabilité, la sécurité, le développement et l’émancipation grandissante de la femme et son rôle en ces temps de crise et de mutations que connaissent aussi bien les sociétés de la rive Sud de Méditerranée que de sa rive Nord ?», s’est-il interrogé.
Selon lui, trois éléments de réponse ont été formulés lors du débat. Tout d’abord, il faut une volonté politique partagée alimentée par les mêmes préoccupations et orientée vers la recherche des solutions communes.
Ensuite, il faut des idées neuves. Le rôle de l’université et de la recherche dans ce cas est extrêmement important dans le renouvellement des idées. Selon lui, le Maroc a progressé dans certains domaines, mais les sciences sociales en demeurent le parent pauvre. « Personnellement, je considère que la production des idées neuves est un élément de réponse stratégique au statu quo, c’est-à-dire à la régression que nous connaissons dans beaucoup de domaines : intellectuel, politique, etc. Sans idées nouvelles, il est très difficile de répondre à toutes les interrogations soulevées durant cette rencontre ».
Et enfin, il faut un projet. « Ce projet c’est l’Union pour la Méditerranée (UMP). D’aucuns prétendent que la création de cette union répond à des objectifs franco-français. Je crois qu’ils ont en partie tort », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « Il est impossible de faire aboutir un projet qui englobe 43 pays sans prendre en compte le facteur temps. Il a fallu à l’Europe presque un demi-siècle pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui », a-t-il noté en mettant l’accent sur l’investissement dans le temps terme. « Quand on travaille avec un horizon, on avance et quand on travaille sans horizon et sans projet, c’est difficile d’aller de l’avant », a conclu Habib El Malki.
Pour sa part, Fathallah Sijelmassi, ambassadeur et ancien secrétaire général de l’UPM, a déploré dans son intervention « le déficit de connaissance sur les activités de l’Union pour la Méditerranée». Il a également saisi l’occasion de cette rencontre organisée par le GERM pour « lever quelques clichés concernant cette Union ».
Selon lui, l’une des faiblesses méthodologiques de cet espace méditerranéen « a été probablement d’avoir une ambition trop grande » et ne pas avoir pris en considération le facteur temps. Or, a-t-il souligné, « toutes les expériences d’intégration régionale montrent que ce facteur est très important comme c’est le cas de l’UE ».
Il s’est par ailleurs inscrit en faux contre ceux qui prétendent qu’aucun projet adopté par l’UPM n’a été mis en œuvre. Selon lui, des 54 projets adoptés par celle-ci, 34 sont aujourd’hui mis en œuvre dans leur intégralité dont celui de l’Université euro-méditerranéenne de Fès et les autres projets attendent leur mise en œuvre.
Il a, par ailleurs, relevé l’existence d’un paradoxe qu’il faut gérer. Selon lui, l’intégration dans la rive Nord de la Méditerranée est très forte, alors que le réflexe régional est extrêmement faible sur la rive Sud. Un chiffre qui illustre ce paradoxe : 90 % des échanges au sein de l’UMP se font entre les pays de l’UE, 9 % entre le Nord et le Sud de la Méditerranée et seulement 1 % entre les pays du Sud de la Méditerranée.
Fathallah Sijelmassi a, d’autre part, mis en exergue le rôle central du Maroc dans la construction de cet espace méditerranéen, grâce notamment à la vision éclairée de S.M le Roi Mohammed VI.
Quant à l’intervention de Pedro Roque, président de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, elle a mis l’accent sur les crises qui secouent plusieurs pays de la Méditerranée, notamment après le Printemps arabe en Syrie ou en Libye, tout en mettant en garde contre le terrorisme qui plane sur la région méditerranéenne et qui nécessite de « rester vigilant ». Dans ce sens, il a estimé que les Parlements euro-méditerranéens ont un rôle important à jouer pour construire un espace commun de paix et de prospérité.
Pedro Roque a également assuré que le Pacte sur la migration qui sera adopté lors de la Conférence internationale prévue les 10 et 11 décembre à Marrakech, est un pas important pour la mise en place d’un « système de gouvernance de la migration ».
Pour sa part, Carlos Condé, chef de la Division Moyen-Orient et Afrique au sein du secrétariat des relations mondiales de l’OCDE, a plaidé pour une croissance inclusive. Selon lui, cette croissance doit être répartie équitablement au sein des sociétés et créer des opportunités pour tous. Paradoxe : il y a une faible création d’entreprises alors que beaucoup d’études menées par l’OCDE ont démontré que l’esprit d’entreprendre existe chez les jeunes de la région MENA et que, c’est le climat d’investissement qui ne favorise pas la création d’entreprises en nombre suffisant.
A la fin de son intervention, Carlos Condé a été visiblement surpris par une question de Habib El Malki qui lui a demandé s’il savait quand le Maroc pourrait être accepté comme membre à part entière de l’OCDE vu que d’autres pays qui ont le même niveau de développement que lui le sont devenus.
Carlos Condé a expliqué à ce propos que l’OCDE est une organisation qui « n’a pas vocation à être universelle, mais qui a celle d’être représentative de l’ensemble des économies mondiales. Ce qui nous manque à l’OCDE, c’est la présence d’un pays africain ».
L’ambassadeur d’Espagne au Maroc, Ricardo Díez-Hochleitner Rodríguez, a ajouté une précision dans ce sens: « Quand votre pays a été élu dans le cadre du Programme-pays de l’OCDE, il a été choisi avec trois autres pays performants économiquement pour les rapprocher du statut de candidat. Il s’agit du Pérou, du Kazakhstan et de la Thaïlande. C’est déjà une qualification très importante ». Il a également exprimé le souhait de voir le rapprochement entre le Maroc et l’OCDE se traduire un jour par son intégration au sein de cette organisation.
Il convient aussi de préciser que Driss Khrouz a présenté un aperçu sur les activités du GERM depuis sa création en 1990.
Cette association qu’il a qualifiée de « savante » et « des idées » a édité 30 publications dont l’Annuaire de la Méditerranée, le Bulletin des deux rives ainsi que des ouvrages sur la Méditerranée tels que « La Méditerranée en question : conflits et interdépendances » (1991), « Le Maroc méditerranéen, la troisième dimension » (1992) et « Villes et urbanisation en Méditerranée : le cas du Maroc méditerranéen » (1996).
Le GERM qui a également organisé une vingtaine de rencontres depuis sa création, n’est pas une structure composée d’économistes comme certains le croient, mais il est ouvert et pluridisciplinaire (économie, droit, histoire…).
Au terme de cette rencontre, il a été procédé au renouvellement des instances du GERM.
A cet effet, Miloud Loukili, professeur universitaire et spécialiste du droit de la mer et membre fondateur de cette association, a présenté la liste des membres des Comités exécutif et scientifique.
Ces deux listes ont été par approuvées par les personnalités présentes à cette rencontre.
Mourad Tabet
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