L’USFP entre participation et opposition
Le membre du Bureau politique Mohamed Benabdelkader, qui représentait le Premier secrétaire, Driss Lachguar, a ouvert le bal en évoquant le contexte dans lequel se déroulent les travaux préparatifs du Congrès national, et en saluant le choix de la thématique de ce colloque, à savoir « «Le parcours de l’USFP entre participation et opposition».
L’intervenant a tenu à rappeler deux assertions ayant trait à la question de l’opposition que menait le parti de la Rose et émanant de deux dirigeants socialistes éminents. La première assertion est celle faite au IVe Congrès national par feu Abderrahim Bouabid : «Notre parti n’est pas dans l’opposition parce qu’il en fait une fixation. C’est parce que nous sommes animés par notre détermination de veiller à l’amélioration des conditions de la classe ouvrière, de la justice et de la stabilité. Ce sont là des conditions sine qua non pour toute participation au gouvernement ».
La deuxième est celle faite par le leader du PSOE Felipe Gonzalez, au VIIe Congrès national à Bouznika quand il avait affirmé, en se référant à l’expérience amère de l’USFP : « L’opposition use beaucoup plus que le pouvoir ».
Mohamed Benabdelkader
L’opposition est appelée à s’ériger en contre-pouvoir à même d’empêcher la majorité gouvernementale d’adopter des politiques publiques ou de prendre des mesures susceptibles d’affecter ou de violer les droits de l’Homme et les libertés
Le membre du Bureau politique a rappelé que l’USFP a été à la tête de deux gouvernements, a participé à trois mandats comme il a été 14 fois à l’opposition tout au long de son parcours politique, soulignant que le thème du colloque lui-même fait allusion à cette dialectique, avant de poser plusieurs questions telles que : « Est-ce que cela (le fait de rester plusieurs années dans l’opposition-NDLR) était un choix délibéré du parti, ou bien ce dernier était contraint de le faire ?
Selon Mohamed Benabdelkader, les réponses à ces questions ont été données par le rapport de la Commission Equité et Réconciliation en dévoilant les arrestations arbitraires, les disparitions forcées et les pratiques qui ont été systématiquement utilisées contre l’opposition, en général, et contre les militants de l’USFP, en particulier.
De ce fait, les Ittihadis ne pouvaient qu’être de ce côté-ci. L’intervenant a également distingué, lors de cette conférence qui s’est tenue en modes présentiel pour les intervenants et distanciel pour les invités, que l’opposition de l’USFP est passée par deux phases : la phase de « l’opposition politique radicale sur fond de boycott de la Constitution », et celle de «l’opposition institutionnelle », précisant que l’USFP est particulièrement fort de sa riche expérience à la tête du gouvernement et dans l’opposition et de sa participation à différentes coalitions gouvernementales.
« On ne peut pas considérer que sa mission, sa fonction, ses gènes et sa nature consistent à faire toujours de l’opposition, et que la règle est l’opposition et l’exception est la participation le moment venu» à la gestion de la chose publique, a-t-il précisé.
Abdelouahed Radi
Il n ‘y a pas de recette magique pour être dans l’opposition.Il est question avant tout de créativité et d’imagination
En réponse à la question «quelle opposition l’USFP va-t-il mener? », Mohamed Benabdelkader a souligné qu’il n’y a pas de théories ou de références sérieuses dont on peut s’inspirer pour prescrire des recettes et des méthodes de l’opposition, affirmant que l’opposition parlementaire dans laquelle s’engage le parti de la Rose est la même que celle menée par les partis dans tous les pays qui ont des institutions qui fonctionnent démocratiquement et cherchent à promouvoir la démocratie.
Selon lui, la Constitution 2011 a accordé à l’opposition un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique, tout en considérant que la défense des droits et libertés ne peut être ni acharnée ni désintéressée, mais plutôt responsable, sérieuse et productive.
En ce sens, il a indiqué que l’opposition est appelée à s’ériger en contre-pouvoir à même d’empêcher la majorité gouvernementale d’adopter des politiques publiques ou de prendre des mesures susceptibles d’affecter ou de violer les droits de l’Homme et les libertés, ajoutant que si l’USFP est d’accord sur la stratégie générale dans divers domaines, il s’oppose à la mise en application s’il y a des abus et des violations auxquels l’opposition est dans l’obligation d’y faire face.
Et d’ajouter : «L’opposition doit incarner la possibilité d’avoir des alternatives. Elle ne doit pas être une opposition à contre-courant. L’opposition n’est pas que de s’opposer aux tendances, aux positions, aux projets ou aux programmes, mais c’est surtout présenter des alternatives, ce qui favorise le pluralisme. Le parti quand il adresse des critiques aux orientations et politiques du gouvernement, il doit présenter en même temps des alternatives, ce qui impose d’autres tâches au parti dans leur préparation».
De son côté, Abdelouahed Radi, président de la Commission d’arbitrage et d’éthique de l’USFP, a souligné, dans son intervention lors des travaux de ce colloque national, que le parti de la Rose a une vision claire, celle de construire un Maroc nouveau, moderne, démocratique, juste et développé à l’instar des autres pays développés du monde.
Il a mis en lumière le contexte historique national et le positionnement du parti de la Rose dans l’opposition depuis des années, considérant que l’USFP pratiquait l’opposition «aux règles du jeu politique de l’époque, et pas l’opposition gouvernementale».
A cet égard, il a évoqué la scène politique et partisane des années soixante et soixante-dix qui a été marquée par la lutte et les conflits et l’USFP menait une opposition farouche et nationale qui a abouti à la présentation de la célèbre motion de censure en 1964.
Abdelouahed Radi a également indiqué que la lutte à l’époque visait à ce que le Parlement jouisse de véritables pouvoirs et prérogatives dans les domaines de législation et de contrôle, tout en affirmant qu’aujourd’hui, tout le monde est d’accord sur la Constitution de 2011, et la nature de l’opposition consiste en «l’opposition à la politique gouvernementale et à la gestion des affaires publiques».
Le président de la Commission d’arbitrage et d’éthique de l’USFP a aussi évoqué la période de l’Alternance et le rôle clé joué par Groupe parlementaire de l’USFP dans la réalisation d’un ensemble de réformes majeures sur les plans économique et social, affirmant que l’USFP, durant le mandat où le PJD présidait le gouvernement, s’est attaché à deux éléments essentiels, à savoir la préservation des acquis et l’opposition à toute initiative tentant de ramener le pays en arrière.
D’un autre côté, il a expliqué que le Groupe socialiste doit connaître à fond tous les dossiers au même niveau que le responsable gouvernemental afin que les députés socialistes puissent exercer une opposition responsable et consciente à l’action gouvernementale, tout en félicitant le Groupe parlementaire actuel et en mettant en exergue le rôle qu’il a joué dans les débats sur le programme gouvernemental et le PLF-2022.
«Il n’y a pas de recette magique pour faire de l’opposition », a mis en exergue Abdelouahed Radi. Et de conclure : «Il est question avant tout de créativité et d’imagination».
Dans son intervention, Hanane Rihab, membre du Bureau politique, a mis l’accent sur la centralité du slogan de la campagne électorale de l’USFP dans son action politique, à savoir «Le Maroc d’abord, une nouvelle alternance à vocation sociale-démocrate».
«Aujourd’hui alors que nous nous positionnons dans l’opposition parlementaire, comment peut-on opérationnaliser ce slogan ? Je crois que nous avons déjà défini la nature de l’opposition que nous allons mener, une opposition nationale forte, responsable, et de proposition», a-t-elle expliqué.
Elle a souligné qu’une partie du slogan électoral de l’USFP, a été réalisée par la défaite de la tendance conservatrice qui a dominé la scène politique durant la dernière décennie et par le consensus selon lequel tout nouveau gouvernement, quelle que soit sa couleur politique est dans l’obligation de mettre en œuvre les recommandations de la Commission spéciale sur le modèle de développement.
Abderrahim Chahid
Le Groupe socialiste joue un rôle important au niveau de toutes les activités du Parlement, à savoir le contrôle du gouvernement, la législation, l’évaluation des politiques publiques ou la diplomatie parlementaire
«Bien sûr, toutes les conditions de cette nouvelle alternance à laquelle nous aspirions n’ont pas été complètement remplies, tant que certaines pratiques ont continué, et elles peuvent se résumer en ce qui suit : Premièrement : la tendance hégémonique, qui fait fi de la dimension participative, est le trait dominant de la majorité gouvernementale actuelle.
Deuxièmement : la persistance de tendances conservatrices dans le discours et les pratiques du gouvernement. Troisièmement, le hiatus se creuse de plus bel entre les institutions représentatives et les expressions sociétales, ce qui porte atteinte à la confiance entre la société et ses institutions, laquelle confiance est une condition sine qua non pour bien mettre en œuvre les recommandations du Nouveau modèle de développement», a mis en avant Hanane Rihab.
Elle a appelé à la nécessité de repenser le rôle nouveau de l’opposition. Celle-ci, selon elle, ne devrait pas se contenter des rôles d’interpellation et de contrôle, mais devrait plutôt construire des ponts avec les expressions sociétales, et réfléchir à des mécanismes pour les intégrer dans le cadre institutionnel, au lieu de se cantonner à des demandes catégorielles qui sont, d’ailleurs, légitimes, mais parfois contradictoires, car, on peut résoudre le problème d’un groupe, mais cela se fait, parfois, au détriment d’autres groupes, a soutenu la membre du Bureau politique de l’USFP.
Elle a souligné que ceux qui pensent que le rythme auquel le nouveau gouvernement évolue peut conduire à une paix sociale durable se trompent lourdement, ajoutant que «nous ne devons pas nous réjouir des vagues successives de protestations contre ses décisions».
Hanane Rihab a expliqué que ces protestations, qui sont certes pour la plupart pacifiques et civiles, révèlent une dynamique sociétale consciente, et ont attrait à la réalité de la précarité sociale, à l’absence d’une vision claire de la part du gouvernement, dans un contexte marqué par l’incertitude au niveau mondial au vu de la crise sanitaire. Et de préciser : « nous devons nous préparer aux pires scénarios, que ce soit sur le plan économique, politique ou sociétal».
Pour sa part, Abderrahim Chahid, président du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, a mis en valeur la contribution importante du Groupe de l’USFP à toutes les activités du Parlement, à savoir le contrôle du gouvernement, la législation, l’évaluation des politiques publiques ou la diplomatie parlementaire.
Hanane Rihab
Il est nécessaire de repenser le rôle nouveau de l’opposition. Celle-ci, selon elle, ne devrait pas se contenter des rôles d’interpellation et de contrôle, mais devrait plutôt contribuer à jeter les ponts avec les expressions sociétales
Dans son intervention lors de ce colloque national, il a expliqué qu’il y a un ensemble de défis devant le Groupe socialiste, tout en soulignant que plusieurs députés ont été élus pour la première fois à la Chambre des représentants.
«Les parlementaires font face à plusieurs difficultés, dont notamment celles concernant la traduction des attentes des citoyens et des militants au sein du parti», a-t-il précisé.
Abderrahim Chahid s’est demandé comment le Groupe socialiste pourrait tirer profit du grand potentiel disponible, notamment avec la révolution numérique et les médias sociaux, pour interagir avec les enjeux et les attentes des Marocains.
Il a souligné la nécessité d’ouvrir le chantier de la démocratie participative pour permettre d’assurer la convergence et de tisser des liens avec les citoyens à travers des journées d’études et des séminaires scientifiques.
Mourad Tabet
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